Siffler sur la colline ( Zaï, Zaï, Zaï ) DECOUVREZ un langage : le SILBO

Une langue et des doigts, c’est tout ce dont vous avez besoin pour vous faire comprendre sur l’île de la Gomera. Non ! Ce n’est pas ce que vous croyez. Nous ne parlons pas d’un lieu charnel aux pratiques intimistes mais d’un petit lopin de montagnes au large des Canaries. Là-bas, entre vents et marées, montagnes et vallées, des hommes et des femmes sifflent sur les collines (avec un petit bouquet d’églantines) pour se faire comprendre et surtout entendre. Alors, ouvrez grand vos oreilles, pour tenter de déchiffrer la mélodie secrète des « guanches », le peuple de la Gomera aussi appelée le Silbo. En fonction du ton et de la longueur du sifflement le « silvador » ou siffleur peut faire des phrases distinctes et se faire comprendre à plus 2,5 kilomètres !

Le silbo – les hommes siffleurs de l’île de la gomera

Seulement 33 % des êtres humains savent siffler selon une recherche Google peu poussée. Si ce n’est pas votre cas, votre vie serait bien triste sur la Gomera. Cette île volcanique située au large de l’Afrique a une particularité. Ses habitants utilisent le « silbo gomero » pour communiquer : l’art de parler en sifflant (ou de siffler en parlant je vous laisse réfléchir). Dans sa chanson « Silbo » le chanteur Feloche raconte le quotidien de cette île où « les Hommes parlent comme des oiseaux ».

Cette façon originale de communiquer aurait été importée par des bergers berbères d’Afrique du Nord, premiers habitants de l’île au XVIème, les fameux « guanches ». Rochers escarpés, montagnes cabossées et vallées encastrées se révèlent être de formidables amplificateurs de son. Pourquoi ne pas crier plutôt ? Car siffler est beaucoup moins épuisant ! C’est également le son le plus puissant que le corps humain puisse émettre.

Un gain de temps et d’énergie considérable pour les bergers et autres paysans de l’île aux volcans. Les autochtones reprennent les codes de la langue locale, le castillan en l’adaptant au sifflement. Le « silbo gomero » est constitué de six sons, quatre réservés aux consonnes et deux aux voyelles. Grâce à cela, plus de 4000 mots peuvent être sifflés, de quoi entretenir une vraie conversation.

Les oiseaux mots-coeur

Le commandant Cousteau a étudié le silbo et Le Clezio en parle dans son roman « Désert ». Ce moyen de communication ne laisse pas indifférents les amoureux de la nature et pour cause ! Le silbo est la langue de ceux qui aiment le grand air, qu’ils sifflent à tue-tête. Tels des oiseaux moqueurs, les silvadors s’élancent dans les plaines sans crainte avec comme seule arme leur langue affûtée pour communiquer et le ciel pour se diriger.

Le silbo ne serait-il pas le langage de l’aventure par excellence? Quel aventurier n’a-t-il pas rêvé de parler aux oiseaux, de siffler sa joie et de régner sur l’écho ? Consciente de la richesse qu’apporte l’île siffleuse à la musique du monde, le gouvernement canarien a décidé de rendre obligatoire l’apprentissage du silbo sur toutes les écoles de l’île afin que ses 22 000 habitants continuent de siffler encore de longues années. La langue des oiseaux est également inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’humanité depuis 2019. Original, le silbo est pourtant loin d’être la seule langue sifflée au monde, il y en a plus de 60. Il y a le kus dili en Turquie,le sfyria en Grèce, le wayapi et la gavio en Amazonie ou encore le chepang au Nepal. Et il y en a même une en France, dans le petit village d’Aas, niché au cœur de la vallée d’Ossau et qui compte bien ne pas se faire couper le sifflet.

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